C’était en 1992, la veille de Pâques. J’étais en classe de 1ère ; j’avais 17ans. Je me souviens encore très bien de ce moment où maman revenait de la boîte aux lettres et avait ouvert le courrier. Il y avait une lettre provenant du Tribunal. Nous étions à mille lieues d’imaginer son contenu : à travers ce papier, papa demandait le divorce après de longues années de mariage.

Cela dura quelques semaines encore et papa, sans mot dire, même sans nous dire au revoir d’ailleurs, quitta la maison familiale pour vivre avec quelqu’un d’autre.
Surprise ? Oui, je l’étais. Déboussolée ? Certainement aussi. Attristée ? Curieusement non. Pour maman, oui, je l’étais. Mais dans mon cœur, je me sentais étrangement soulagée. Comme si le fait que papa quitte la maison était une vraie bouffée d’air frais. Je me rappelle un soir de Noël où, comme toujours, nous avions l’habitude de chanter et de jouer avec nos instruments autour du sapin. Papa, lui, restait à l’écart, regardant la télé. Je me souviens avoir dit à maman en me couchant « pourquoi papa ne part-il pas de la maison ? » Je devais avoir 12-13ans. Comme ma tristesse avait dû être déchirante dans le cœur de maman qui par amour, portait cette souffrance quotidiennement en silence !
La vie à venir n’allait certainement pas être des plus faciles mais à partir du jour où papa était parti, je nous sentais comme libres.

Pour nous préserver mon frère et moi-même, maman nous avait soigneusement épargnés de toutes les attaques et accusations de papa. Jamais elle ne nous en parlait. Elle avait fait traîner le jugement pour que nous puissions rester dans la maison familiale le plus longtemps possible et surtout, pour que je puisse passer mon Bac sans être ballotée d’un endroit à un autre. Mon frère, lui, avait déjà quasiment terminé ses études. Aux quelques courriers de papa, pendant l’année du divorce, maman nous avait toujours dit de ne pas donner suite pour ne pas entrer dans son jeu. A l’époque, cela ne nous dérangeait pas plus que ça.

Les années passèrent. J’ai fini mes études et suis entrée dans la vie professionnelle. Puis j’ai fait la rencontre de Laurent et nous nous sommes mariés. Nous avons aujourd’hui 2 fillettes de 4 et 2 ans.

Cela fait maintenant 20 ans que papa est parti et 20 ans que je ne l’ai plus revu. Souvent, aux étapes charnières de ma vie, je m’étais posé la question de lui écrire un courrier. Non pas pour revenir sur le passé mais simplement pour lui donner des nouvelles. Pour lui raconter le chemin parcouru. Pour lui dire que finalement, je ne lui en voulais pas d’être parti. Chacun peut se tromper et nous ne sommes pas juges des parcours des autres. J’espérais surtout qu’il soit heureux. Peut-être aussi que le temps avait fait son œuvre en lui. Il ne devait certainement plus être le même. Mais les mois passaient ; je n’ai pas repris ma plume et j’ai fini par oublier.

Ce n’est que début janvier 2013 que je reçus, dans notre boîte aux lettres, un courrier de papa, qui, après 20 ans de silence, et peut-être aussi comme le fils prodigue, avait dû rentrer en lui-même et attendait l’heure d’une réconciliation possible. Je me demandais comment j’allais répondre à cette invitation. Ecrire ? Téléphoner ? Lui rendre une visite surprise ?
Le Seigneur a pris les devants : un soir de février, son épouse appela à la maison pour nous dire qu’il était hospitalisé. Rien de grave. Une simple opération de prothèse au genou.
Comme poussée en avant, je me suis levée le lendemain matin et ai pris la route pour aller le rencontrer dans sa chambre d’hôpital, à 2h d’ici. Il ne le savait pas, il ne m’attendait pas. Quelle surprise ! Il était loin d’imaginer que j’allais donner suite à son courrier et encore moins que j’allais venir le voir. Il avait peine à croire que c’était bel et bien réel. Il avait longtemps prié pour que cette réconciliation puisse se faire et était vraiment heureux de nous savoir heureux et en bonne santé. Quelle libération dans son cœur !

10 minutes après notre rencontre, papa pouvait sortir du service de réanimation pour rejoindre sa chambre : pour moi, c’était comme un petit clin d’œil du Seigneur !

Je suis repartie dans l’après-midi. L’avenir ressemblait à une nouvelle page blanche qui se tournait sous nos yeux. Nous ne savions comment l’écrire quand nous nous sommes quittés. Mais ce dont nous sommes sûrs, c’est que le Seigneur a commencé quelque chose en nous par ce 1er pas, et qu’Il le mènera à son accomplissement pour Sa plus grande Gloire.

Ô joie de l’inépuisable Miséricorde ! Cœur ouvert à jamais d’où coulent les grâces sans fin ! Gloire à Toi, Jésus, pour Ta Passion et Ta Croix, pour Ton Amour, Ton Pardon, Ta Miséricorde pour chacun, sans exception !